Méthodes de Travail

Recuire...........pourquoi ?........quand ?......comment ? ( 22 mars 2010 ) retour


Cuire de nouveau......Recuire un gigot trop saignant....

C'est la première définition que donne le Larousse en six volumes.......et c'est très bien car les bijoutiers-joailliers aiment la viande bien cuite.....comme mes propos vont ici le prouver.

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Plané de palladium de 24,20 grammes chauffé à rouge

Plus sérieusement, le recuit en bijouterie-joaillerie est une opération essentielle à la bonne marche de pratiquement toutes les étapes de fabrication. J'espère par cet article en faire comprendre les raisons et les multiples occasions plus que nécessaires de pratiquer ce recuit.

J’ai décidé avec ce site internet de rendre public tous les aspects de mon travail d’artisan, par contre si mes écrits étaient utilisés pour fin d’enseignement, je demande d’en nommer très clairement l’auteur. Il me fera aussi grand plaisir de répondre à toutes questions permettant de préciser un peu plus mes propos pour faire encore mieux comprendre les aspects et nuances de ces techniques.

Ne pouvant parler plus clairement que le Larousse, je vous retranscris ici l'essentiel de ce qu'il en dit, ensuite seulement je vous parlerai de ma pratique du recuit avec mes quarante années d'expériendces de cuisinier des métaux précieux !!!

Début du texte du Larousse en six volumes:

Exposer de nouveau un métal à l’action du feu.

Améliorer les qualités du métal par le recuit.

Encyclopédie : Traitement thermique par le recuit: Il est fréquent qu’un métal en cours de travail se trouve transformé dans son état moléculaire. Il devient cassant, d’une structure peu homogène. Le recuit a pour but de ramener ce corps à '' un état normal '' voisin de ses propriétés initiales.

Le recuit est un traitement thermique qui consiste en un chauffage au dessus du point de transformation le plus élevé, suivi d’un refroidissement lent, de vitesse inférieur à la vitesse critique de la trempe. Il s’applique à presque tous les métaux et pour être efficace doit être total c'est-à-dire jouer sur la totalité de la pièce traitée.

On distingue trois sortes de recuit:

1) Le recuit d’adoucissement : qui a pour but de détruire les effets de l’écrouissage dû à un travail mécanique exagéré du métal qui en a changé la limite d’élasticité, de détruire les effets de la trempe qui a transformé l’état moléculaire, de régulariser les effets du forgeage qui a amélioré les qualités du métal mais inégalement.

2) Le recuit de régénération, qui rends une texture normal à un métal surchauffé par accident.

3) Le recuit de stabilisation, qui a pour but d’obtenir un équilibre moléculaire parfait au sein d’un métal dont l’équilibre a été compromis par un travail intensif.

La température des recuits est extrêmement variable, suivant les métaux et la composition des alliages. Pour le cuivre cette température varie de 700 à 800 degrés, pour le laiton à cartouche de 600 à 750 degrés, pour les aciers durs de 750 à 850 degrés, et pour les aciers doux de 700 à 750 degrés.

Pour recuire une pièce on la chauffe lentement puis rapidement jusqu’à sa température de recuit; on la maintient à cette température le temps nécessaire pour que toute la masse puisse prendre une température uniforme.

Fin du texte du Larousse en six volumes.

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Plané de palladium

Le travail entièrement fait à la main sans aucun moulage, en bijouterie-joaillerie commence par la production d'un lingot dont l'épaisseur sera progressivement réduite d'au moins deux fois, deux fois et demi étant mieux, produisant ainsi du plané, des plaques de métaux précieux sur lesquelles seront découpées les premières formes nécessaires à la construction de tout bijou.

Ce plané, par le laminage, acquière des qualités et des caractéristiques nouvelles qui le rende nettement supérieur à une fonte. Cette réalité est la même dans toutes les industries de métallurgie.

Toutes les pièces de métal qui devront subir des efforts mécaniques particuliers auront grandement avantages à être produites avec du métal martelé, estampé, laminé ou forgé....bref un métal dont la structure atomique et moléculaire aura été pressée fortement et sera ainsi de plus grande force que le simple fait de se refroidir dans un moule quelconque...soit-il en plâtre fin américain....

Ces plaques ainsi produites, avant de pouvoir recevoir un nouvel effort mécanique dans une autre direction et par d'autres méthodes de tranformation, comme le pliage, l'estampage, l'emboutissage, le martelage, le ciselage, le tréfilage, l'étirage..... toute technique donc qui a pour objectif de déformer le métal dans des directions différentes de la direction initiale reçue par le laminage, devront être recuites....IMPÉRATIVEMENT.... sous peine de voir apparaître sur le métal des déchirures, des brisures, des cassures.....donc des faiblesses qui nécessiteraient des soudures, ce qui se traduirait alors par un bijou de moindre qualité.

Le recuit consiste donc au bon moment, de chauffer au chalumeau avec une flamme enveloppante toute la pièce à rouge, d'un rouge parfaitement régulier, et de la laisser se refroidir à l'air normalement sur une surface de grande masse d'acier comme une enclume, un tas de bijoutier ou encore parfois dans les machoires d'un étau.

Je ne recommande pas de refroidir subitement une pièce recuite dans l'eau, c'est une très mauvaise habitude à prendre et ce n'est en plus d'aucune réelle utilité. Pire, par cette habitude, une pièce avec des masses différentes, avec des découpages ou des formes ovales ou irrégulières par exemple risquera de changer légèrement de forme et de ne plus être conforme à l'objectif ou à la forme de la pierre pour laquelle elle avait été ajustée.

Le métal chauffé se dilate, et de le refroidir subitement ne lui permettra pas de retrouver sa forme initiale exacte, et par conséquent ce refroidissement subit pourrait causer de très mauvaises surprises surtout pour des pièces de joaillerie toute de précisons et de dentelles......de petite soudures ayant eu à subir ce grand choc thermique pourraient tout simplement se casser et seraient alors à refaire, et pas toujours aussi facilement qu'au moment où elles avaient été faites.

Ce refroidissement se fera à l'air la plupart du temps, ce recuit étant largement suffisament efficace pour pouvoir continuer.... à laminer dans un autre sens, à tirer du fil plus facilement à la main dans une filière, à plier le métal à la pince, à l'emboutir etc....

Il arrivera à l'occasion d'avoir besoin d'un recuit encore plus souple, pour plier plus facilement de très grandes épaisseurs de l'ordre de quatre à cinq millimètres, de devoir faire un recuit dans l'acool de bois ( alcool méthylique ).

Pour cela il faudra agir avec prudence pour ne pas mettre le feu à cet alcool de bois. Il est prudent de mettre le bécher de 100 ml contenant l'alcool de bois dans une assiette métallique, ainsi les risques d'alcool qui se répendrait en feu sont pratiquement nul. Une fois le métal porté au rouge, il est sage d'attendre un peu que la pièce devienne sombre et de la plonger alors encore très chaude dans un petit récipent rempli d'alcool de bois qui la couvrira en totalité, le métal refroidira ainsi à l'abri de l'oxygène de l'air, oxygène qui ne pourra donc pas pénétrer dans l'alliage, lui donnant alors plus de souplesse que s'il avait refroidi à l'air libre.

Une pièce chaude ( mais pas rouge...danger de mettre le feu à l'alcool..) trempée dans l'alcool de bois provoque tout de suite un bouillonnement particulier et constant pour se terminer rapidement par un bouillonnement final plus fort, reste alors à retirer à la main la pièce recuite et bien recuite.

Le recuit dans l'alcool n'est surtout intéressant que dans les cas suivant: le pliage de très grande épaisseur ( tête d'une chevalière ), emboutissage et ciselage de pièces avec grande déformation des surfaces, étirage difficile de gros fils, déformation de rondelles très épaisses pour des anneaux sans soudures, tout cela plus particulièrement pour l'or rose 18K qui est un or plus rigide que l'or jaune 18K.

Ainsi avant de vouloir laminer une plaque à angle droit par rapport à son premier sens de laminage, il faudra la recuire, la laisser refroidir pour pouvoir ensuite la laminer cette fois par le côté. Par cette méthode il sera possible de laminer un lingot à une longueur voulue, pour ensuite, une fois recuit lui donner plus de largeur. Cette opération de laminage pouvant se faire sur la longueur ou sur la largeur du lingot à la condition d'avoir pris soin de recuire à chaque changement de direction.

Il est même possible, de laminer légèrement en biais un fil ou une plaque pour, à la fois l'allonger, mais aussi lui donner un peu plus de largeur.

Une pièce qui ne serait pas recuite et que l'on chercherai à travailler par des efforts mécaniques de directions différentes pourraint fort bien se craqueler et se déchirer.

L'expérience dans ce domaine est un bon maître et nous apprends qu'il est bon de recuire fréquemment.

Le recuit est donc nécessaire pour pouvoir agir mécaniquement dans des nouvelles directions, mais ce n'est pas là son seul avantage.

Ainsi, il m'arrive très souvent de recuire des pièces en cour de travail, pour avoir la certitude d'enlever toutes les tensions accumulées par l'étape précédente, et avoir la certitude que la pièce sur laquelle je fais des ajustages ne se mettra pas à bouger ne serait-ce que d'à peine un dixième de millimètre au moment de la souder avec une autre pièce.

Je recuis aussi très souvent pour que la pièce sur laquelle je travaille soit toute entière de même couleur, car une fois recuite, refroidie et mise au déroché, j'aurai le plaisir de travailler avec une pièce dont la couleur sera uniforme, ainsi devant encore limer, fraiser ou même graver de nouveau la pièce, je pourrai par la différence de couleur des nouvelles traces laissées par ces outils, comprendre parfaitement par contraste la progression de mon travail.

Une grande part de la précision que peut obtenir un bijoutier-joaillier vient du fait de travailler sur des pièces propres et de couleur uniforme, lui permettant de parfaitement voir tous les points de repères, toutes les lignes tracées, ainsi que les arrêtes entre deux surfaces.

C'est un des raisons qui fait que je ne peux supporter les pièces en cour de travail avec des bavures laissées par les limes ou les fraises, ces bavures empêchent de bien juger les volumes et profils.......donc pas de bavures c'est toujours mieux, on voit et comprends alors parfaitement la pièce devant soi.

Je recuis même parfois (souvent) des pièces de joaillerie complètement terminées, pour avoir ainsi la certitude, que si je devais plus tard intervenir à froid sur cette pièce soit pour agrandir, soit pour marteler, soit pour plier, les choses se passeraient alors plus aisément.

À noter que le fait de souder revient à faire un recuit dans la zone où sera faite cette soudure.

L'ARGENT......

L'argent 925/1000, est tout particulièrement sensible à des recuits non réguliers. Pour torsader des fils de manière parfaitement régulière, pour tourner des anneaux ovales et parfaitement identiques, pour obtenir des déformations de rondelles parfaitement uniforme sans voilages..... bref pour que l'argent réagisse uniformément à un nouvel effort sur sa longueur, le recuit doit être de couleur parfaitement identiques et plutôt sombre. Il est donc important de bien observer la couleur du recuit et de la maintenir tout le long du recuit d'un bout à l'autre de la pièce.

L'argent recuit à haute température formera une tache de feu plus épiasse et surtout risque en étabnt trop près de son son point de fusion de s'écrouler sous son propre poids.....catastrophe.

Pour certaines pièces gravées en argent, il m'arrive de faire une seule soudure, et par l'action de la chaleur du chalumeau, de pouvoir en même temps noircir parfaitement ces gravures ( c'est le cuivre contenu dans l'argent 925/1000 qui s'oxyde alors ), ne restant plus alors qu'à polir le tout en profitant d'un magnifique contraste entre le blanc brillant de l'argent et les parties gravées d'un noir uniforme et stable.

L'OR.....

L'or jaune 18K, se recuit sans exigeance particulière dans la plupart des cas.

Par contre pour plier de très grandes épaisseurs d'or laminé, il faudra avoir recours au recuit dans l'alcool de bois, très efficace. L'or jaune recuit dans l'alcool devient légèrement rosée, ce qui est tout à fait normal. Et ensuite par un recuit à l'air tout simple, il retrouvera toute sa force comme si il n'y avait pas eu de recuit à l'alcool, c'est une infime quantité d'oxygène qui en pénétrant dans l'alliage lui redonne sa dureté habituelle.

L'OR ROSE 18K,

L'or rose 18K aura lui, pour des pièces un peu massives devant être déformées par pliage ou emboutissage, plus souvent besoin d'être recuit à l'alcool, étant plus rigide car contenant plus de cuivre que l'or jaune 18K.

Les ORS BLANCS,

Les ors blancs étant des alliages que je n'aime absolument pas et que je n'utilise pas non plus, avec tout un tas de défauts bien particuliers, en parler en terme de recuit ne serait pas ici très utile. Car en plus ces alliages chauffés noircissent très facilement et ne retouvent pas complètement une belle couleur après le déroché.

Le PLATINE,

Le platine se recuit les yeux fermés, non pas vraiment....... mais fond à une température tellement élévée qu'il n'y a aucun soucis à se faire au moment de le recuire. Même très rouge il est encore loin de ce point de fusion, il est donc très facile de le recuire de manière régulière, bien qu'il est préférable de le recuire avec des lunettes noires pour avoir la certitude de ne pas avoir d'accident surtout pour des pièces de joailleire comprennant éventuellement de très fines griffes plus sensibles alors à une trop forte chaleur.

Le PALLADIUM,

Le palladium, je crois bien que je l'aime de plus en plus celui là, très rare dans le métier, il est quand même un métal précieux aussi rare que le platine, de pratiquement même couleur à s'y méprendre et se recuit très facilement, avec une toute petite tendance à s'assombrir très légèrement une fois recuit, mais si peu.......

IL EST BON DE RECUIRE DE SUITE:

Des cannetilles d'anneaux, avant de les couper, plus facile ensuite de les mettre à plat.

Un plané, avant presque tout découpage surtout très fin, le recuit sera déjà fait, aucun risque d'oublier de recuire et le sciage en sera un peu plus facile.

Du fil, avant de le tourner pour en faire des anneaux, un recuit régulier permettra de tourner facilement des anneaux tous parfaitement identiques.

ETC...

NE PAS RECUIRE DE SUITE:

Un bague, dont le centre est plus épais et recuit mais dont les deux côtés ont été laminés, non recuit, plus mince pour faire le corps de bague, il sera alors plus facile de plier en priorité le centre de cette bague, une fois le centre plié, le recuit de l'ensemble permettra de continuer à mettre le tout en forme ronde facilement.

ETC...


NE PAS RECUIRE DU TOUT:

Des lames de ressorts en or rose ou en or blanc.

Des crochets de boucle d'oreille fait de fil rond de 8 à 10 dizième de millimètre. Dans ces cas, il faudra seulement recuire le fil en général de deux ou trois dizièmes avant la dimension finale coisie. Les crochets seront ainsi fort mais non cassant surtout pour le petit anneau rond à leurs bases qui ne sera pas soudé.

Des goupilles qui ont besoin de par leurs fontions d'être rigides et fortes.

Une alliance platine compressée sans soudure, qui sera alors très résistante à la déformation, le platine s'use difficilement mais à épaisseur égale est plus souple recuit que de l'or recuit....

Avec cette même méthode, sans recuire, il est possible de faire un anneau en or pur (24K) sans soudure et que cet anneau soit parfaitement rigide et ne se déformant pas du tout à long terme. J'ai eu l'occasion de faire un anneau en or pur pour homme et même plusieurs années plus tard l'anneau était toujours parfaitement rond.

Des pendentifs découpés dans une seule pièce (en forme de croix ou autre ) dont on aura pris soin d'inclure dans la forme un anneau pouvant recevoir la bélière. Ces croix ou pendentifs fabriqués ainsi seront très résistant à la déformation, ce qui permet de faire des pièces asseaz petites et fines d'une solidité très supérieure à.....la fonte.

Un crochet en forme de '' S '', découpé dans une plaque non recuite, et qui fera office de fermoir... pour y passer des anneaux en bout de chaînes.

Du laiton laminé qui servira à faire des gabarits.... non recuit, ils seront ainsi plus rigides et auront des vies plus longues.

ETC...


RÉSUMÉ...............

Par une longue pratique, par une expérience irremplaceable en atelier, et par une compréhension fine des différences entre un métal laminé et un métal recuit, en fonction des objectifs précis et des étapes qui se succèdent dans le bon ordre, le bijoutier-joaillier tirera de très grands avantages en recuisant au bon moment ou même en ne recuisant pas éventuellement, la qualité de sa production en sera plus grande, plus belle et plus rapide.

J'oubliais, il est possible de recuire de la soudure et de la laminer dans un autre sens.....cela peut être éventuellement utile.


Je vous souhaite une très belle journée,

Bon travail à la cheville aux artisans de partout sur cette planète...sympathique.


Michel Zimmermann
Artisan Bijoutier-Joaillier
Québec le 22 mars 2010



P.S. Ais-je tout dit du recuit ?..... Pas sûr du tout....il serait donc possible que je complète cet article à l'occasion, la date près titre en serait alors changée.


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